Couverture de Kingdom Come : Delivrance.

A tous présents et à venir, salut. 

Comment mieux aborder le sujet d’un jeu historique qu’en évoquant de Kingdom Come Deliverance, un jeu manufacturé par les talentueux compagnons de Warhorse Studio, en le bon royaume de Bohême ? Ces Tchèques passionnés d’Histoire et de jeu vidéo, de rôle en particulier, ont accompli le défi saugrenu de réaliser par financement participatif un jeu de rôle et d’action entièrement historique mettant l’accent sur l’immersion et l’authenticité. Le résultat est un jeu que l’on jugerait difficile à aborder en terme de mécaniques de jeu et d’exigences “gameplay” , à mi chemin entre un The Elder Scrolls IV : Oblivion (pour la vue à la première personne et ses aspects de bac à sable archaïque), The Witcher 3 (pour son ambiance slave et rurale) et un simulateur médiéval. Kingdom Come plonge le joueur en plein début du XVème siècle, en Bohême (actuelle Tchéquie), au cœur du Saint-Empire Romain Germanique ; il y incarne Henry, le fils du forgeron du village de Skalice en Bohême du Sud, que les affres de la guerre civile entre les partisans du roi Venceslas IV et ceux de son demi-frère, le roi Sigismond de Hongrie, poussent à partir à l’aventure.

Cavalier en direction d'un château, Kingdom Come : Deliverance.

Le jeu se présente ainsi comme un monde ouvert reconstruisant fidèlement et avec force détails la région de Sassau, en Bohême du sud dans la Tchéquie actuelle. Région très rurale et forestière, elle abrite toutefois de nombreux villages, plusieurs châteaux et des bourgs d’une importance un peu plus manifeste. Tous existent encore aujourd’hui, et l’équipe de Warhorse n’a pas chômé pour restituer les véritables édifices comme ils étaient à l’époque. Une vieille connaissance de votre serviteur, Tchèque originaire de la région, l’a comparée à une vraie visite touristique. Il est vrai que le monastère Saint-Procope de Sassau y est très authentique, sa cathédrale est en rénovation dans le jeu, un choix que les développeurs ont préféré faire plutôt que de se risquer à une reconstitution fautive.

La topographie n’est pas la seule reconstitution fidèle au contexte que l’on trouve, les villages et les habitants de la région portent des vêtements authentiques de l’époque et sont tous impliqués dans une reconstitution fidèle et crédible des métiers, techniques et artisanats de l’époque. On déplore quelques faiblesses probablement dues au budget en termes de diversité des personnages, qui se partagent un nombre limité de visages différents créant un phénomène de sosies que les vétérans de la trilogie The Witcher reconnaîtront. L’immersion n’en est toutefois pas entachée, quand on remarque que l’épaisseur et la couleur des vêtements influeront sur votre résistance à la chaleur ou votre discrétion (essentielle si vous optez pour la voie du crime en aidant les meuniers du coin, à l’époque réputés pour leurs liens avec la pègre, à commettre quelques menus larcins). Le joueur devra en outre s’assurer que Henry reste propre et nourri, que ses blessures ne s’infectent pas et que son matériel est entretenu. Le réalisme est ici prétexte à un gameplay “hardcore” pour les aspects du jeu les plus orientés “survival” mais aussi pour les combats, très difficiles à maîtriser, mais procurant un doux sentiment de réalisme. Les armes et autres équipements de guerre de l’époque y sont très bien retranscrits et s’utilisent comme ils l’étaient véritablement.

Village de Bohême, Kingdcome Come : Delivrance

Sur ce point, notons que c’est cette immersion qui constitue, à mes yeux d’historien, le point le plus intéressant du jeu. Il s’agit du seul et unique action rpg historique, médiéval et réaliste, et l’un des seuls jeux à présenter la réalité du Moyen-Âge sans édulcorants, clichés ou fantasmes. Vous ne verrez pas les hommes de cette époque se comporter comme ceux d’aujourd’hui, mais vous ne verrez pas non plus leurs mœurs ou leur mode de vie caricaturés ni même jugés. Les rapports unissant les hommes et les femmes, les roturiers et les nobles, la façon de considérer la religion et même les tabous ou la redoutée Inquisition sont des sujets traités avec pertinence. Un exemple à la fois simple et notoire est le tabou concernant les cadavres ; on s’attend en effet, dans un RPG, à piller tous les cadavres possibles afin de revendre leurs effets personnels ou tout simplement enfiler leurs chaussures. Bien sûr, vous pouvez toujours le faire dans Kingdom Come, mais les personnages du jeu vous feront bien comprendre qu’un tel acte est abominable à un bon chrétien médiéval. On mentionne également l’extension “Le lot des femmes” (A woman’s lot, en anglais) spécialement dédiée à la condition des femmes à cette époque et mettant en scène les histoires de Thérèse et Jeanne, voisines et amies d’enfance de Henry.

Thérése, Jeanne et Magnan ; personnages du DLC de Kingdom come Deliverance : A woman's lot.

Pour finir, en tant que jeu historique, Kingdom Come fait le bon choix de faire intervenir des figures historiques réelles mais d’importance moindre ; ainsi les rois Venceslas et Sigismond n’interviendront jamais en personne, au contraire de leurs représentants locaux, sur lesquels on sait peu, mais suffisamment pour broder autour d’eux une histoire crédible qui n’entre pas en contradiction avec l’Histoire au grand “H”. 

Je classe donc Kingdom Come Deliverance au rang de véritable coup de cœur en même temps que de perle inconnue et incomprise, quoi qu’en effet, assez peu accessible pour les joueurs les plus occasionnels. Le jeu offre une expérience d’Action RPG originale et hardcore, mais est avant tout plus efficace que n’importe quel film ou même cours d’Histoire pour s’imprégner de la période ; son “codex”, sorte d’encyclopédie en jeu, très éducative, ne fait que rajouter à ces bénéfices. Il pourrait bien être un jeu capable d’amener les joueurs à l’Histoire autant que les historiens en herbe au jeu vidéo.

Étiquettes:

1 commentaire pour “Kingdom come deliverance : Le Moyen-Âge comme si vous y étiez”

  1. Retour de ping : Fire and maneuver : L'ère Victorienne des créateurs indépendants

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *